Disque mal-aimé, The Division Bell est le dernier album studio de Pink Floyd. 18 ans, quasiment 19, après sa sortie (en 1994), ce disque reste un de mes préférés du groupe, malgré qu'il ne soit franchement pas un des plus représentatifs de leur son. C'est une sorte de chef d'oeuvre après le brouillon A Momentary Lapse Of Reason de 1987, qui marquait le retour du groupe (bien amputé : Roger Waters, le bassiste, a été viré en 1984, et le claviériste, Rick Wright, fut viré en 1981 par le même Waters), et possédait un son très pop et industriel, que Waters, dans son coin, estimera être une très belle copie de Pink Floyd, un 'faux' plutôt correct. Il n'avait pas tort, car tout en contenant d'excellentes chansons (bien mises en valeur en live : Delicate Sound Of Thunder, double live de 1988), A Momentary Lapse Of Reason est un Floyd hautement fadasse dans son ensemble. 7 ans après ce disque qui a déçu les fans (et en a attiré d'autres), le groupe réengage Wright, qui ne jouait qu'en invité sur l'album de 1987 et la tournée, et sort The Division Bell. Un an après, le groupe sortira le double live P.U.L.S.E., qui assure à mort (leur meilleur live) et rend totalement justice aux nombreux morceaux de The Division Bell (5 sur les 11) qui y sont joués.
L'album est sorti sous une magnifique pochette signée, comme toujours, Storm Thorgeson, d'Hipgnosis. Est-ce un visage coupé en deux, ou deux visages se regardant, et positionnés de profil ? Indéniablement les deux (notez, sur l'illustration ci-dessus, que pour la version K7, que je possédais par ailleurs avant le CD, le visuel est un tantinet différent, on sent que ce n'est pas la même matière pour l'oeuvre d'art ornant la pochette). Une heure de musique, c'est un disque assez généreux, on sent que le Floyd a bien compris le pouvoir du nouveau format CD (A Momentary Lapse Of Reason ne durait que 50 minutes), l'album sera double dans sa version vinyle collector, voir l'illustration ci-dessous qui est un visuel d'une des sous-pochettes. 11 titres dont deux instrumentaux (l'un d'entre eux, Marooned - 'naufragé' -, sera récompensé d'un Grammy dans la catégorie 'instrumentaux', je crois), et parmi les 9 chansons, une est signée et interprétée par Wright, Wearing The Inside Out. C'est la première fois depuis Stay en 1972 (Obscured By Clouds) qu'une chanson du groupe est chantée par Wright (sinon, The Great Gig In The Sky, de 1973 et The Dark Side Of The Moon, était signé du claviériste). Une très belle chanson, une de mes préférées de l'album, un album très pop, il est vrai, très accessible, mais musicalement sublime. Marooned, instrumental primé, est un solo de guitare superbe. L'autre instrumental, Cluster One, qui ouvre le bal, fait penser à Signs Of Life (A Momentary Lapse Of Reason), en plus beau, et est très reposant (claviers superbes). La transition avec le rock What Do You Want From Me est imparable. Celle entre ce titre et le suivant, Poles Apart, aussi, le morceau étant plus planant et progressif que rock (et réussi).
L'album offre quelques facilités, What Do You Want From Me en est une, Take It Back en est une autre ; les deux titres sont excellents, mais très simples, accessibles, évidents, de la pure pop-rock calibrée FM, destinée à plaire au plus grand nombre. La production clinquante de Bob Ezrin (déjà producteur de The Wall, A Momentary Lapse Of Reason et du double live de 1988) n'y est pas pour rien, ce Canadien a toujours su bien utiliser les grosses ficelles pour rendre un album bien commercial (il s'y est cassé les dents sur le Berlin de Lou Reed ; Lou et ses paranoïas camées, c'était trop fort pour Ezrin, qui y a laissé des plumes), voir le son sucré glam des albums d'Alice Cooper. Ou les arrangements spectoriens sur certaines des chansons du premier album solo de Peter Gabriel. Sur The Division Bell, Ezrin n'en a pas trop fait, c'est purement commercial (comme à peu près tout dans le rock, en fait), mais le son floydien est quand même là. High Hopes. Monstrueuse monumentale merveille qui achève le disque, chanson qui parle des regrets, de la vie passée, des moments perdus, et qui contient des bribes, réarrangées, de Welcome To The Machine dans son bridge, est le sommet de l'album, elle passe encore souvent à la radio, et l'écouter sans frissonner est, pour moi impossible. Le solo de guitare final... Mon Dieu... Elle pleure, cette guitare, mais littéralement ! Conseil : ce solo se finissant en fade-up, pensez à monter progressivement le son jusqu'à ne plus rien entendre que le son des cloches (n'ayez crainte, il n'y à pas de coup fourré du style 'un gros son qui retentit juste après et qui vous fera vous chier dessus de sursaut'), pour tout savourer jusqu'à la dernière goutte, comme un bon café. 8 minutes qui passent comme 8 secondes. Le sommet du groupe, devant Comfortably Numb et les plus anciens Shine On, You Crazy Diamond et A Saucerful Of Secrets.
Un visuel du livret, et le visuel du single High Hopes
Lost For Words, qui contient, chose rare chez le groupe, un gros mot ('fuck' ; comme Not Now John, sur The Final Cut), est une magnifique et trop peu souvent citée petite complainte quasiment acoustique, un peu de brise entre Keep Talking et High Hopes. Coming Back To Life, qui met un peu de temps à démarrer, est sublime, et A Great Day For Freedom (qui parle de la chute du Mur de Berlin ; une chanson politisée pour le groupe, c'est rare, exception faite de The Final Cut, album entièrement politisé) est admirable, grandiose même. Take It Back est sans doute la moins percutante, mais elle est tout de même très bonne, s'écoute sans souci, elle est juste un peu longuette, c'est tout. Enfin bon, dans l'ensemble, ce disque de 1994, dernier album studio du Floyd, s'il n'est pas le plus représentatif de leur musique, est tout de même une incontestable réussite. La pochette, elle, en revanche, est devenue une des plus représentatives de l'imagerie floydienne ; quelque part, donc, malgré le fait qu'il ne soit pas aussi bien apprécié des fans purs et durs que les anciens albums, quelque part, donc, The Division Bell est là pour rester. Et, oui, définitivement, j'adore ce disque.
Cluster One
What Do You Want From Me
Poles Apart
Marooned
A Great Day For Freedom
Wearing The Inside Out
Take It Back
Coming Back To Life
Keep Talking
Lost For Words
High Hopes
Une de mes chansons préférées du groupe par ailleurs. Magnifique.