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Dans la discographie de Bob Dylan, il y à un avant et un après Self Portrait. Ce double album de 1970 a en effet été un vrai tournant (et un frein des plus efficaces pour ralentir les plus frénétiques des fans de l'artistes), 74 minutes de musique sirupeuse, niaise, sans envergure, un double album essentiellement constitué de reprises, et les morceaux originaux ne sont pas du grand Dylan. Plus quatre titres issus d'un concert donné au Festival de l'Île de Wight en 1969. Plus deux instrumentaux. Plus un morceau inaugural interprété par des choristes. Plus une pochette hideuse peinte par Dylan, et le représentant (et s'il s'est peint tel qu'il s'est vu, il a intérêt à consulter). Ce double album, que j'ai réabordé ici il y à environ deux mois (enfin, presque, mais pas vraiment) dans une chronique nettement moins gentille à son égard que l'ancienne (je n'ai jamais caché aimer ce disque mal-aimé ; mais je l'aimais bien mieux avant, ceci dit), ce double album a été accueilli par des missiles téléguidés envoyés par la presse rock et les fans, ça a été la curée, la bronca, l'hallali, je n'ai plus de mots aussi savants et originaux pour dire ce que ça a été. Dylan semblera quelque peu se ressaisir quelques mois plus tard, en cette même année 1970. Pour la première fois depuis des années, une année verra la sortie de deux albums studio de Dylan. Le deuxième et dernier album de cette 1970 d'année, concernant le Barde, sera donc ce New Morning deux fois plus court que le précédent (il dure 35 minutes, en fait, pour, en revanche, deux fois moins de morceaux, soit 12, mais que des originaux), et sorti sous une pochette photographique en cadre qui aurait très bien pu servir pour l'album précédent sans qu'on y change le titre : Bob Dylan, barbu, tête légèrement inclinée, regard vers le possesseur de l'album, une sorte de petit sourire qui semble poindre à l'extrême horizon, photo prise non pas par Dylan lui-même (contrairement au tableau de l'album précédent, c'est pas un autoportrait) mais par Lenn Siegler. Au dos, une photo, noir & blanc, elle aussi, plein cadre, et bien plus ancienne que celle du recto. On voit un tout jeune Dylan, guitare en main, debout à côté de Victoria Spivey (photo prise en 1962, année de sortie du premier opus de Dylan), une chanteuse de blues.

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Verso de pochette vinyle

Aucune inscription au recto de pochette, comme ce fut le cas pour Nashville Skyline (1969) et Self Portrait, mais Dylan étant Dylan, ce n'était vraiment pas nécessaire de foutre son nom sur le recto de pochette, ça se vendait quand même. Il y à longtemps (8 ans), j'avais abordé ce disque en le classant dans les ratages musicaux, catégorie infâme du blog. Je détestais viscéralement cet album. Je trouvais que tout ce qui faisait le charme bancal et malade de Self Portrait manquait vraiment à New Morning (une salle de concert parisienne portera, par la suite, ce nom, sans doute en allusion à l'album, mais je n'en suis pas sûr), album qui, à sa sortie, a été unanimement considéré comme le retour en grâce du Barde, le retour aux affaires sérieuses. Ce qu'il est, en effet. Et avec le temps qui passe et qui n'arrange rien (enfin, sauf ça), je dois dire que j'ai non seulement appris à aimer New Morning (en savoir plus sur le contexte de l'enregistrement et de la sortie de l'opus y était pour pas mal), mais à vraiment l'aimer. Pas au point de l'adorer comme j'adore Blonde On Blonde, Desire, Street-Legal et Infidels (rajoutez Planet Waves et vous avez mon quinté gagnant dylanien personnel, les mecs), mais si je devais établir un Top 10 des albums studio de Dylan, l'album serait très certainement dedans, même si ça serait vers la fin, ou carrément à la fin, du classement. Dylan s'est effectivement bien repris ici, même si ce n'est pas encore totalement ça (pour atteindre le totalement ça, il faudra attendre Planet Waves, qui sera, croyez-le ou non vu qu'il date  de 1974, le prochain album studio de Dylan constitué intégralement de chansons). Après cet album, Dylan sortira un single produit par Leon Russell (Watching The River Flow, sublime), puis participera au Concert For Bangla Desh de George Harrison et Ravi Shankar, puis sortira un double best-of dont la photo est issue du concert précité, et qui contient ce fameux single hors-album que je viens de citer, puis il tournera, en 1972/73, dans le film Pat Garrett & Billy The Kid de Peckinpah, où il tient un petit rôle (Alias). Il en signe la bande-son en 1973, essentiellement instrumentale. La même année, il quittera Columbia pour Asylum (il reviendra courant 1974 chez Columbia), et Columbia sortira, en 1973, pour se venger, Dylan, un disque de chutes de studio de New Morning (et deux de Self Portrait), que des reprises, que des merdes, un album infâme.

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Rare, collector même : un Dylan qui sourit ! Ici avec George Harrison, vers 1969

A l'écoute de Dylan, on se dit que le Barde avait bien fait le ménage dans ses enregistrements pour constituer New Morning. Si on met de côté une ou deux chansons (disons plutôt trois) assez insipides et franchement moyennes (If Dogs Run Free, Winterlude, Father Of Night), l'album est d'un niveau tellement imposant qu'il enterre Self Portrait sous une épaisse chape de plomb recouverte d'une bonne tonne de béton armé. If Not For You, co-écrite avec Harrison, et que le Barde offrira à Harrison qui la chantera sur son All Things Must Pass sorti en fin d'année 1970, est une excellente chanson qui ouvre idéalement le disque du renouveau dylanien. Même si le Barde réutilise encore une fois (pour la troisième fois de suite) sa voix de crooner. Les morceaux se suivent sans se percuter, Day Of The Locusts, Time Passes Slowly, Went To See The Gypsy, New Morning, Sign On The Window, The Man In Me, c'est vraiment un niveau excellent, à peine contrebalancé, comme je l'ai dit, par quelques titres vraiment inférieurs au reste. Rien de vraiment grave, même si les fins de face (les deux derniers titres de chaque face, soit 4 titres sur 12, soit le tiers de l'album quand même) sont médiocres, et qu'un tiers de l'album à 'jeter' ou presque, c'est suffisant pour interdire à New Morning une place dans un Top 5 des meilleurs albums de Dylan. Mais je ne conseille cependant pas (ou plus, en fait !) de passer à côté de cet album. Ce n'est pas l'album a écouter en priorité si vous voulez découvrir, ou redécouvrir, le Barde. Si on met de côté If Not For You et la chanson-titre (et encore), pas de classiques intemporels ici. Mais ce n'est pas non plus un album à oublier, à négliger. i vous voulez négliger des albums de Dylan, négligez son premier opus éponyme de 1962, ou bien ses trois derniers opus en date, ou bien Down In The Groove, ou bien Knocked Out Loaded (malgré l'immense Brownsville Girl), ou bien les albums de sa période born again (surtout Saved et Shot Of Love), ou bien Empire Burlesque, ou bien l'épouvantable Dylan sorti sans son accord, ou bien Together Through Life, ou bien...enfin, bref, il y à du choix, chez le Dylan en petite forme. Incontestablement, malgré ce que j'en pensais autrefois, New Morning n'est pas un mauvais opus. C'est pas le meilleur, certes, mais on ne peut qu'être satisfait à son écoute !

FACE A

If Not For You

Day Of The Locusts

Time Passes Slowly

Went To See The Gypsy

Winterlude

If Dogs Run Free

FACE B

New Morning

Sign On The Window

One More Weekend

The Man In Me

Three Angels

Father Of Night