K1

En 1980, Iron Maiden sort son premier album, Iron Maiden (album éponyme, donc), un disque mal produit (le producteur s'en contrefoutait pas mal, là était le souci) mais offrant, mis à part ça, énormément de classiques du groupe, des chansons que le groupe, d'ailleurs, jouait live, à l'époque, depuis pas mal de temps, avait rôdées, maîtrisait. Peu après la sortie du disque (qui sera assez bien accueilli, et on voit se pointer les premiers fans de Maiden), le groupe se sépare du guitariste Dennis Stratton, lequel n'était de toute façon pas des plus à l'aise avec le style du groupe. Adrian Smith le remplace, et ce guitariste très talentueux formera, pendant de nombreuses années, un inépuisable tandem avec Dave Murray. Il partira de Maiden en 1988, mais reviendra en 1999, en même temps que Bruce Dickinson, et à l'heure actuelle, est toujours là (et le groupe n'ayant pas viré celui qui l'avait remplacé, il y à donc trois guitaristes). Selon ses propres aveux, Adrian ne se sentira vraiment membre du groupe que vers 1983, ayant mis du temps à se rendre compte de la chance qu'il avait de jouer dans un groupe aussi important (par rapport à celui dans lequel il était, un obscur groupe de hard local) que Maiden, qui commençait tout juste à avoir du succès. A Peine Adrian déboulé que le groupe sent qu'il faut baptiser son arrivée par un album. Comme si tout arrivait en même temps, c'est à un producteur de grand talent qu'ils vont avoir affair, un mec qui va devenir leur producteur jusqu'à 1992, un mec ayant auparavant, autrefois, produit Fleetwood Mac et, surtout, Deep Purple : Martin Birch. Le producteur du premier album, Will Malone, avait brillé par une totale incompétence, il faut donc rehausser le niveau.

K4

Grâce à Birch, Iron Maiden va enfin, en album, sonner comme en concert. L'album est enregistré aux studios Battery de Londres entre novembre 1980 et janvier 1981, et sort en février de la même année. Il offre 10 titres pour quelques 38 minutes ; la version CD la plus récente, et certaines rééditions vinyles, en propose 11 (le rajout, situé sur le CD en avant-dernière position, est un single, Twilight Zone), pour 41 minutes. Sous une pochette totalement anthologique et signée, évidemment, Derek Riggs (et représentant Eddie, la mascotte du groupe, brandissant une hache dégoulinante de sang, sa victime au sol, une main agrippée à son t-shirt, le  tout, toujours de nuit, toujours sous un lampadaire !), l'album sort sous le titre de Killers, et offre essentiellement des chansons que le groupe interprétait déjà en live à l'époque. Seuls deux sont écrits pendant les sessions : Murders In The Rue Morgue (allusion évidente à la fameuse nouvelle d'Edgar Allan Poe, avec des variantes, ceci dit, sur l'histoire) et Prodigal Son (le plus long, avec 6 minutes, et un morceau plus calme que de coutume, au sujet d'un homme ayant passé sa vie à errer et à déconner avec les forces occultes, et bien décidé à calmer le jeu), sans doute mon morceau préféré ici, une chanson assez méconnue et tout simplement grandiose. Tous les morceaux, exceptés le morceau-titre (dévastateur, avec son intro à base de basse et sa fulgurante accélération), sont signés du bassiste Steve Harris seul. Killers, lui, est co-signé avec Paul Di'Anno. Ce dernier, Di'Anno donc (dont la voix est ici nettement plus punk et rauque que sur le premier album), n'en a plus pour très longtemps dans le groupe, son attitude assez dérivante (came, alcool...) lui vaudra d'être évicté, et remplacé par Bruce Dickinson. Di'Anno dira par la suite (il conservera une profonde amertume pour Iron Maiden) être parti de lui-même car la direction prise par le groupe ne lui plaisait plus. Mais il se shootait, aussi, ce qu'aucun autre membre du groupe n'a fait...

K2

Démarrant par un instrumental très court (moins de 2 minutes) et totalement prodigieux, The Ides Of March (allusion à la mort de Jules César), Killers est un disque bien souvent sous-estimé dans l'univers de Maiden. La faute à pas de chance, à moins de classiques absolus que sur le précédent opus, et à un accueil critique assez tiède, à l'époque (l'album fut bien accueilli, mais dans l'ensemble, le précédent le fut bien mieux ; un deuxième album est toujours difficile à faire). Pourtant, on a du lourd ici. Après The Ides Of March (qui servira longtemps d'intro aux concerts du groupe) on a, immortalisé par une tétanisante intro à la basse, le plus gros classique de l'album, un morceau que le groupe ne cessera quasiment jamais de jouer live : Wrathchild. Cette chanson agressive (la voix de Di'Anno dessus, la vache... quand il chante I was born in a scene of angriness and greed, of dominance and persecution, on sent la rage) parle d'un homme né d'un père inconnu, et bien décidé à arpenter la Terre entière pour le retrouver ; et, s'il le retrouve, ça ne sera pas pour l'embrasser sur les deux joues ! Après ces quasi-trois minutes de furie, Murders In The Rue Morgue suit, terrible, puis une chanson aux paroles répétitives (elles reviennent trois fois !) sur un sujet délicat, le suicide : Another Life. But I'm so tired of living, I must as well end today... Pas le sommet de l'album, mais c'est une chanson efficace. Un autre instrumental (le dernier de l'album, et jusqu'à 1984, le dernier du groupe sur un de leurs albums) arrive, Genghis Khan, démentiel (le final), puis Innocent Exile, chanson sur un homme accusé à tort de meurtre et en cavale, achève la face A avec force. Là encore, la basse (intro) est démentielle et bien en avant, pas étonnant, vu que Steve Harris, le bassiste, est clairement, de tous temps, le leader du groupe. La face B s'ouvrait sur Killers, un homme agressé dans un passage souterrain par un tueur, chanson oppressante (dans ses paroles) et ultra speedée, quasi punk, dans son rythme. Di'Anno est en état de grâce. Prodigal Son suit, et comme je l'ai dit, c'est mon morceau préféré de l'album. C'est aussi, selon moi, son sommet, avec un solo de guitare juste magnifique, une ambiance mélancolique, la chanson, si on excepte le solo, est quasiment acoustique, pas heavy du tout, et c'est une pure merveille. Purgatory, chanson que j'aimais bien moins qu'avant, est une chanson bien bourrine, répétitive (le problème des chansons de la période Di'Anno : les paroles reviennent souvent, des couplets courts et peu nombreux) mais au riff qui reste en tête très longtemps. Le morceau suivant, Twilight Zone (sur un homme décédé, revenant hanter sa copine, et désireux de l'emmener avec lui), sorti en single, était absent du vinyle original, une excellente chanson. L'album se finit sur un titre efficace mais au riff énervant, Drifter. On sent un rapprochement avec le morceau qui ouvrait le précédent opus, Prowler. Killers s'achève très bien sur ce disque que, là aussi, j'ai mis du temps à aimer.

K3

Découvrant les U.S.A. pour la première fois pendant la tournée de l'album, Iron Maiden passe à un niveau supérieur avec Killers, même si ce n'est pas encore la consécration. Peu après la tournée, Paul Di'Anno est lourdé, et Bruce Dickinson, au style vocal totalement différent, arrive. Le son du groupe, leur orientation, changera du tout au tout. Killers, chant du cygne de la période Di'Anno, est l'album le plus violent, agressif (beaucoup de chansons, quasiment toutes en fait, parlent de tueurs, de sang, de violence, de crimes, de mort), jusqu'à son titre et sa pochette, et c'est aussi le plus punk du lot. Paul Di'Anno, là encore, n'y est pas pour rien. Un disque remarquable, mais qui sera pendant longtemps un peu dénigré par les fans, qui lui préfèrent clairement les albums suivants, lesquels, il est vrai, sont anthologiques et incomparables. On peut donc voir ce disque comme la fin d'un premier Iron Maiden, avant une renaissance totale. Ou comment un simple changement de chanteur peut totalement renverser la donne ! Pour finir avec Killers, cependant, je dois dire que c'est, et que ça a toujours été (et sera toujours) un de mes albums préférés du groupe. Et je pense aussi que c'est un de leurs meilleurs, si, si !

FACE A
The Ides Of March
Wrathchild
Murders In The Rue Morgue
Another Life
Genghis Khan
Innocent Exile
FACE B
Killers
Prodigal Son
Purgatory
Drifter