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Quatre hurlements qui font froid dans le dos, successifs, sur fond de guitare tronçonneuse et d'une rythmique lourde de sens.

I...believe...them bones...are me/Some...say...we're born...into the grave/I feel so alone, gonna end up a big old pile of them bones. Avouez qu'on a trouvé plus joyeux, comme ouverture d'album ! Car c'est ainsi que démarre Dirt : on met le CD, et direct on se prend les hurlements de Layne Staley, ouvrant la première chanson, Them Bones, dans la gueule. Et en dépit de quelques chansons plus 'calmes' (mais certainement pas apaisées), ça sera comme ça pendant 57 minutes. A l'époque constitué, outre du chanteur (et guitariste occasionnel) Layne Staley et du guitariste (et chanteur occasionnel) Jerry Cantrell, Alice In Chains est constitué du bassiste Mike Starr et du batteur Sean Kinney. Starr sera viré peu après ce disque et remplacé par Mike Inez. Starr est mort en 2010, d'overdose, peu après avoir été arrêté pour possession de médicaments assimilés à de la drogue (méthadone). Quant à Layne Staley, on le sait, il est mort en 2002, d'overdose, ayant fini sa vie dans un corps plus proche de la coquille de noix (Nutshell, une chanson de l'EP Jar Of Flies de 1994) ou du sac d'os ambulant de Them Bones que d'un corps humain digne de ce nom. Mais revenons à Dirt. L'album date de 1992 et est un des meilleurs albums a) d'Alice In Chains ; b) du mouvement grunge ; c) du rock des années 90. Tout simplement. Sous sa pochette jaune-orangée montrant une jeune femme à moitié ensevelie dans une terre craquelée par la sécheresse, dans le désert, l'album aligne une série de classiques que le groupe ne cessera jamais, dès lors, de jouer live. Produit par Dave Jerden et le groupe, c'est un condensé de noirceur, de nihilisme, de dépression, qui ne sera, pour le groupe, battu que par un album éponyme (en 1995) totalement ravagé par la came et la morbidité (et accessoirement leur sommet, et le sommet grunge par excellence, sans aucune exagération de ma part : qui l'entendra ne pourra que plussoyer, à moins d'être réfractaire à ce mouvement musical).

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Si l'album s'ouvre en tintamarre avec un Them Bones court (moins de 3 minutes) et ravageur, il se poursuit par une accumulation de bons points ; c'est un fait, il n'y à que deux titres, ici, qui ne me plaisent pas : God Smack (jamais accroché à celui-là, désolé) et le court intermède non-crédité Iron Gland, moins d'une minute faisant intervenir Tom Araya (basse et chant de Slayer) et situé juste après God Smack, tiens, c'est marrant que les deux titres qui me branchent le moins sur suivent sur l'album. Le reste, y'à pas photo, c'est du Butagaz de première main (comprenez, allume-gaz, dépressif même dans ses moments les plus hard, et bien heavy) : Dam That River, Sickman, Junkhead, Hate To Feel, Angry Chair. Sans oublier (oh putain, non, ne pas les oublier !) ces moments de grâce divine que sont DirtRooster, Down In A Hole, Rain When I Die et Would ?, ici Alice In Chains tutoie Dieu et lui offre l'apéro, direct. Would ? (qui achève l'album sur un cri désespéré de Layne, If... I...would...could...you ? et sera un hit, grâce à son utilisation dans un film cartonneur de l'époque et aujourd'hui totalement oublié, mais, heureusement, pas la chanson d'AIC), notamment, est une claque. Into the flood again... quand Layne glapit ces paroles du refrain, impossible de ne pas l'imaginer dressé rigide, gant noir sur la main, lunettes de la même couleur, tenue de cuir, son rictus aux lèvres et le regard (derrière les shades) perdu dans le lointain envapé... Les couplets, calmes, avec la voix de Cantrell en contrepoint, sont splendides. Quant à Down In A Hole et Rooster, c'est à frémir tellement c'est beau et tragique (en acoustique, sur le MTV Unplugged de 1996, ça sera juste tuant ; en revanche, Would ? marchera moins bien en acoustique, sur le même album, mais les chefs d'oeuvres sont immortels, et la chanson reste ce qu'elle est). Rain When I Die offre les meilleurs moments rock du groupe sur l'album.

Alice In Chains Dirt (Special Limited Edition) 1992 inlay

Que dire de plus ? Si le groupe parviendra à dépasser le niveau de Dirt avec Alice In Chains (alias Three-legged Dog, ou Tripod, allusion à sa pochette), il livre ici un disque majeur du grunge et du rock 90's, un best-seller fantastique à déconseiller aux âmes sensibles (paroles très explicites parfois) et que certains fans voient comme le sommet du groupe. Le sommet reste l'album de 1995, mais Dirt est tout de même essentiel, et il bat à plate couture un premier album (Facelift, 1990) très moyen, et restant, avec leur live électrique (Live), le seul moment faible de leur discographie. Dirt est tout simplement grandiose, que dire de plus ? Même God Smack est pas mal dans son genre, c'est juste que j'accroche nettement moins sur elle que sur les 11 autres titres. Ca ne suffit pas à me faire ternir la réputation de l'album, qui est aussi haute que pleinement justifiée. Quel disque... And did she call my name ? I think it's gonna rain when I die...

Them Bones
Dam That River
Rain When I Die
Sickman
Rooster
Junkhead
Dirt
God Smack
[Iron Gland]
Hate To Feel
Angry Chair
Down In A Hole
Would ?