Black Crowes - 2000 - The Southern Harmony and Musical Companion Part1

Parlez d'un putain de grand album de rock. On tient ici tout simplement un des killers des années 90, tout simplement, un disque tellement bon, tellement puissant (et que l'on écoute avec toujours autant de plaisir 22 ans après sa sortie) qu'il se pose ===>là, ===>là, voire même un peu ===> là aussi. Les Black Crowes, vous connaissez ? Non ? Pas vraiment ? Ah, faut dire que ce groupe américain et originaire du Sud des USA, c'est important (et d'ailleurs, si leur musique n'était pas si évidente de ce côté-là, le titre de cet album le dit pour eux), n'a jamais été le plus connu au monde. Le groupe s'est fondé dans la fin des années 80, par deux frangins, Chris (chant) et Richard 'Rich' (guitare) Robinson. Deux fortes têtes à la Liam et Noel Gallagher de Oasis, deux têtes de mule ayant dirigé le groupe et s'étant tous deux approprié le son des Corbeaux Noirs. Le groupe a tout connu, débuts timides dans les charts, reconnaissance du public et de la critique, connaissance des drogues, dégringolade, split annoncé et subi, reformation discrète mais solide (le groupe tourne toujours). Le groupe a même eu l'honneur de jouer avec Jimmy Page, guitare de Led Zeppelin tout de même, pour un concert mythique donné en 1999 au Greek Theatre de Los Angeles, au cours duquel quasiment tout ce qui fut joué fut du répertoire du Dirigeable, et parmi certains titres, des morceaux que le groupe (Led Zeppelin, hein) n'avait jamais joué live, comme Custard Pie ou Hey Hey What Can I Do (le live, double, remarquable, s'appelle Live At The Greek, sorti en 2000). Les Black Crowes sont un putain de grand groupe de rock à tendance hard-blues, des Led Zeppelin ricains et modernes (modernes parce que datant des années 90/2000, mais pas par rapport à leur son : tout ce que l'on entendra sur cet album que je réaborde aujourd'hui en chronique pour la première fois depuis 2009 pourrait très bien avoir été enregistré dans les années 70), même si les deux plus grosses influences du groupe sont, en fait, les Allman Brothers et Lynyrd Skynyrd, deux immenses groupes des annés 70, originaires du sud de la ligne Mason-Dixon (ligne séparant le Nord et le Sud des USA, d'où le surnom de Dixieland pour le Sud profond).

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Chris Robinson avec le chapeau, tout à droite ; son frangin Rich, tout à gauche

Vous me direz, Led Zeppelin est aussi une grosse influence pour le groupe, c'est vrai. Quasiment tout ce que l'on entend sur cet album, ue je n'ai pas encore nommé d'ailleurs, pourrait avoir été enregistré par la bande à Page et Plant. L'album est le deuxième du groupe, et leur meilleur, et il s'appelle d'un titre ronflant, The Southern Harmony And Musical Companion. 50 minutes bien bluffantes, qui vous font bander dès les premières notes, et ce jusqu'aux dernières du dixième et dernier de ses titres. Un album prodigieux. Ici, il faut citer les autres membres du groupe, ils sont grandioses : Steve Gorman (le mec le plus propre sur lui sur la pochette, cheveux courts, allure de banquier en pause déjeuner) est un batteur du tonnerre ; Marc Ford, un excellent guitariste (qui, dans les crédits, fait tous ces petit trucs appelés solos) ; Johnny Colt, le bassiste, envoie sévère dans son genre. Un vieux roublard du nom d'Ed Hawrysch pose ses doigts sur les touches de différents claviers, sur l'album, et bien qu'il ne fasse pas partie du groupe de manière officielle, a eu le droit, l'honneur, de poser avec les Corbeaux sur le verso de livret (photo ci-dessus), c'est le mec en arrière-plan derrière Chris, le plus âgé du lot. Produit par le groupe et George Drakoulias, cet album sera un gros succès commercial (pourtant, 1992, pardon, mais c'est le début du grunge, Nevermind de Nirvana et Ten de Pearl Jam ont cassé la baraque l'année précédente et continuent de le faire, et c'est aussi l'année de sortie du Dirt d'un autre immense groupe de grunge - sans doute même LE groupe de ce mouvement -, Alice In Chains ; et n'oublions pas d'autres albums, de hard-rock, eux, sortis en 1991 et ayant poursuivi leur trajectoire commerciale heureuse en 1992, le Black Album de Metallica et les deux Use Your Illusion des Guns'n'Roses ; et aussi, 1992 est l'année de sortie du premier Rage Against The Machine, bref, un année chargée). Avec le temps, c'est reste le classique absolu du groupe, qui tiendra encore quelques années et albums (Amorica) avant de se séparer et de se reformer après un temps.

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Comment décrire cet album, ses guitares tuantes, son piano cristallin et boogie, son chant roublard, ses rythmiques sudistes, ses choeurs charnels ? Tour à tour férocement rock et tendrement bluesy, The Southern Harmony And Musical Companion est un régal total, cinquante minutes qui assurent plus que vous ne pouvez l'imaginer. L'enchaînement des deux premiers morceaux, Sting Me et Remedy (la seconde sortira en single, un clip sera fait, on y voit bien la joie que le groupe ressent à la jouer) est inoubliable. Quand le premier morceau s'efface (après une ultime salve vocale, ahanante, de Chris et de belles coulées de guitare) pour laisser la place au riff vrombissant de Remedy, gros frissons. Ces deux morceaux, totalisant environ 10 minutes de l'album, offrent déjà tout ce qu'il faut pour hisser l'album au Panthéon du rock pur et dur : performance vocale hallucinante, solos géniaux, son tout simplement parfait en général. Je le dis, tout, ici, rappelle le meilleur de Lynyrd Skynyrd et de Led Zeppelin, et sonne à l'ancienne. Pas de synthétiseurs, pas de rappeurs posant des voix en guest-stars, pas de samplages, aucun bidouillage électro. Et mis à part la dernière chanson, que des originaux ; la dernière chanson de l'album est une reprise de Bob...non, non, pas Dylan, mais Marley. Oui, le chantre du reggae est repris ici, Time Will Tell, reprise acoustique de toute beauté, meilleure, même (enfin, selon moi) que l'originale. Divine, chaleureuse et douce, apaisante et apaisée, cette reprise achève magnifiquement bien l'album. Mais son sommet est probablement avant elle, juste avant, My Morning Song, tuerie hard-blues sudiste riche en choeurs et guitares, sur laquelle Chris livre une performance grandiose. Certains fans diront qu'en fait le sommet est probablement Thorn In My Pride, blues déchirant de 6 minutes, performance la plus roots de l'album (et en effet, c'est une splendeur), ou bien le pur hard-rock de No Speak No Slave... Ou le zeppelinien Sometimes Salvation qui rappelle le meilleur de Physical Graffiti. D'autres citeraient sans doute Remedy, aussi. Chacun son morceau de chevet sur l'album, tout le monde, au final, s'étant mis d'accord pour en reconnaître (l'album en général) sa portée, sa valeur, sa réussite.

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Chris et Rich (et leurs compères Marc, Johnny et Steve, plus Ed, ne l'oublions pas) livrent ici l'album de leur vie, clairement. Le précédent opus, Shake Your Money Maker, était certes très très bon, et certains de leurs futurs albums (Warpaint) le seront aussi, mais The Southern Harmony And Musical Companion, sous sa pochette les montrant poser dans la boue, est le summum. Bad Luck Blue Eyes Goodbye, avec ses choeurs féminins narquois et sa guitare bluesy, son Chris Robinson déchiqueté (sa voix, sa voix, SA VOIX !!!), Hotel Illness et son harmonica tuant, son rythme haletant, Black Moon Creeping, Sting Me... TOUT est immense sur ce disque, un des plus parfaits de sa génération et depuis lors. Rarement 50 minutes auront sembler passer aussi vite, j'aurais même adoré que le disque soit plus long, avoir plus de chansons... Les Black Crowes ont suscité l'admiration de plusieurs célébrités du rock, Keith Richards notamment (on sait pires références), lequel a cependant compris avant tout le monde que le groupe était sur la mauvaise pente, à l'époque ; il plane en effet sur ce disque, après coup, comme un parfum de séparation ; un peu comme si le groupe avait voulu tout donner (pour leur deuxième album, seulement le deuxième !). Entre les drogues et la mainmise conflictuelle des deux frangins Robinson, le groupe allait connaître le même destin que celui que connaîtra les britpopeux Oasis (eux aussi sous l'emprise du conflit personnel de leurs deux leaders de frangins), même si les Gallagher ont poussé encore plus loin la rivalité fraternelle. Après un tel coup d'éclat que ce disque de 1992, le groupe ne pouvait pas faire mieux, ils ont essayé, mais au final, The Southern Harmony And Musical Companion restera à jamais leur sommet. Ce n'était que leur deuxième album, ils en ont fait neuf au total de 1990 à 2010 pour le dernier en date (je ne compte que les albums studio). Tous sont recommandés (Before The Frost...Until The Freeze, double album de 2009 sorti en partie en CD, en partie en téléchargement, et en vinyle pour la totale), mais celui-ci est le seul qui, dans 10, 20, 30 ou 40 ans, continuera de rester en mémoire.

Sting Me

Remedy

Thorn In My Pride

Bad Luck Blue Eyes Goodbye

Sometimes Salvation

Hotel Illness

Black Moon Creeping

No Speak No Slave

My Morning Song

Time Will Tell