En 1986, l'album Somewhere In Time, sixième album studio d'Iron Maiden, a surpris son monde : des synthétiseurs et guitar-synths, une production très progressive, un son futuriste, ça avait de quoi détonner après une série d'albums de pur heavy-metal, certes parfois progressif (de longs morceaux aux changements de rythmes fréquents), mais quand même féroces et parfois bourrins (ce n'est pas un reproche à leur faire, ils font leur truc, et moi, ça me plaît, alors...). Somewhere In Time a marché, ce fut un succès, mais il a essuyé des critiques, quand même, en raison de ces changements. L'album a été fait plus ou moins dans la douleur, Bruce Dickinson (chant) s'étant vu refuser ses chansons (qu'il imaginait plus acoustiques que de coutume) par le groupe, qui ne voyait pas le nouvel album de la même manière que lui. Deux ans plus tard, le groupe décide de faire un nouvel album, et en février 1988 (et ce, jusqu'en mars), ils entrent en studio. Ils ont cette fois-ci choisi les fameux Musicland Studios de Munich, ex-RFA (pas ex, à l'époque !), là où les Stones ont fait It's Only Rock'n'Roll et une partie de Black And Blue, là où Led Zeppelin a fait Presence. Un studio de qualité et de renommée. En même temps, les Compass Point Studios des Bahamas, où plusieurs de leurs anciens opus ont été faits, c'est pas un studio de merde non plus... Le nouvel album sortira en avril 1988, sous une magnifique pochette bleutée signée Derek Riggs, et représentant Eddie, à moitié formé, sortant d'un lac gelé,
un foetus dans du placenta et relié par un cordon ombilical relié à lui dans sa main, et, au visage, toujours cet oeil bionique qu'il avait sur la pochette de Somewhere In Time (les pochettes d'albums de Maiden, qui représentent toutes Eddie, le voient bien souvent évoluer, muter, même si, pour cet album, ça sera quasiment la dernière fois qu'il mutera en conservant des traces de ses anciennes 'incarnations', comme, au front, la marque de trépanation de Piece Of Mind). Au dos de pochette (qui est dépliante), le lac gelé, et la rive, avec des scupltures de glace à l'effigie des Eddies des autres pochettes (on reconnaît le Eddie de Piece Of Mind, celui de Killers, de The Number Of The Beast, et le Eddie enchaîné de la pochette intérieure de Powerslave).
L'album porte un nom remarquable, à la fois en allusion au fait que c'est le septième album studio du groupe (d'autres albums, par la suite, auront une allusion à leur numérotation dans leurs titres : Virtual XI, The X Factor) et, surtout, allusion à une fameuse oeuvre littéraire dont l'album entend s'inspirer : Seventh Son Of A Seventh Son. Car ce qu'il faut dire au sujet de cet album, c'est que c'est, une première pour Maiden (et une dernière, aussi !), un album-concept, ses 8 chansons sont reliées entre elles par un fil conducteur, même si elles peuvent totalement s'apprécier séparément les unes des autres. Conceptuellement, l'album parle de la naissance mouvementée, et pour laquelle des forces démoniaques semblent avoir mis leur grain de sel, d'un enfant, dans un village reculé, sans doute à une époque reculée. L'enfant, septième fils d'un septième fils, est, comme la croyance le dit quand il s'agit d'un enfant de la sorte, né avec un don de seconde vue. Il sera un prophète, ses prophéties ne plairont pas, il sera rejeté, on exigera sa mort pour conjurer le mauvais sort qu'il semble avoir en lui... Iron Maiden s'est inspiré du premier roman de la fameuse saga d'Orson Scott Card Les Chroniques D'Alvin Le Faiseur (six tomes à ce jour), qui s'appelle Le Septième Fils (1987), roman qui se passe dans une Amérique utopique, à l'époque des premiers colons (juste après la guerre d'indépendance, début du XIXème siècle), une Amérique où la magie existe. Dans l'album de Maiden, rien n'est dit du nom du personnage, des lieux et de l'époque. En réalité, Steve Harris (basse, leader du groupe) a lu le roman, et l'a tellement aimé qu'il s'en est légèrement inspiré, mais comme ça, reprenant juste le titre du roman. Il s'est aussi inspiré de la mort d'une médium anglaise bien connue, Doris Stokes (il dira à son sujet si elle était médium, comment se fait-il qu'elle n'ait pas pu prédire sa propre mort ?, et en effet...). Aussi, pour la première chanson, il a puisé dans ses connaissances de l'occulte, Moonchild étant aussi le nom d'un roman écrit par le sinistre Aleister Crowley, roman parlant d'une naissance secrètement préparée par des forces démoniaques (thème de la chanson, qui inaugure le concept).
Musicalement, Seventh Son Of A Seventh Son est très progressif, c'est l'album le plus progressif du groupe, et ça le restera jusqu'à 2010 et The Final Frontier (leur dernier à ce jour). Bien qu'ayant le même nombre de morceaux que les deux précédents opus studio (et que les versions originales vinyle de premier et troisième albums), il est nettement plus court que ces deux précédents ; bien que possédant un morceau très long (le morceau-titre, quasiment 10 minutes), il ne dure en effet que 44 petites minutes, ce qui, comparé aux 50/51 minutes de Powerslave et Somewhere In Time, est un petit recul. En terme de durée, mais pas de qualité. Car ce que je n'ai pas encore dit au sujet de l'album, c'est qu'il est un des meilleurs, si ce n'est le meilleur album d'Iron Maiden, une date, un album qui ne sera pas forcément ultra génialement accueilli à sa sortie (les critiques, pas toujours tendres avec le groupe, reprocheront le concept. Mais dans l'ensemble, rien de vraiment négatif ; avec le temps, l'album récolte des critiques de plus en plus positives, et il fait partie des préférés des fans. La production (de Martin Birch le fidèle) est juste fantastique, on y retrouve encore une fois beaucoup de claviers, de synthés, comme pour Somewhere In Time, mais ils sont ici bien mieux utilisés, et même s'il y en à autant qu'en 1986, ils paraissent, de fait, moins nombreux, ils passent mieux. Bruce Dickinson est en forme, d'autant plus que sur les 8 titres, il en co-signe la moitié (on notera que Moonchild est co-signé Dickinson et du guitariste Adrian Smith, Harris n'est pas du tout crédité dessus, ce qui est au final peu fréquent chez Maiden). Adrian Smith avait pas mal de crédits d'auteur sur le précédent opus, et il en a aussi pas mal (trois titres) ici. Ce que l'on ne saura pas à l'époque, c'est que Seventh Son Of A Seventh Son sera son dernier album de Maiden : il partira juste au début des sessions de l'album suivant, n'appréciant pas le retour à un son plus rugueux et metal, estimant qu'avec Somewhere In Time et Seventh Son Of A Seventh Son, le groupe allait dans la meilleure des directions. Mais j'en reparlerai bientôt, de l'album suivant !
L'album s'ouvre sur Moonchild, chanson surpuissante. Au début, cependant, le morceau est acoustique, Bruce chantant, calmement, Seven deadly sins, seven ways to win, seven only paths to Hell and your trip begins/Seven downward slopes, seven bloody hopes, seven are your burning fires, seven your desires, et ce petit couplet à la guitare acoustique, de toute beauté, se retrouvera aussi en final de l'album (sans la fin de phrase and your trip begins), manière d'introduire l'album. Puis, synthés terribles et riffs puissants de guitare foutent une ambiance du feu de Dieu. Infinite Dreams, au style guitaristique très hendrixien, suit, les claviers sont en pagaille, l'ambiance est du plus pur Dream Theater (avec un an d'avance sur le premier opus du groupe...clairement, cet album fut une belle influence pour eux !). Can I Play With Madness et The Evil That Men Do (cette dernière possède un titre inspiré d'une citation de la pièce Jules César de Shakespeare, les Maiden n'ont jamais été des incultes), plus 'pop', seront des singles à succès, des chansons que le groupe interprétera par la suite souvent en live ; on peut estimer la première un peu énervante à la longue, mais la seconde est une pure splendeur à mettre à genoux. Et pendant que vous êtes à genoux, profitez-en pour ne pas vous relever, ça serait con, car le morceau-titre, ouvrant la face B, est tellement grandiose qu'il vous refoutrait à genoux illico. On assiste, ici (avec passage spoken-word solennel de rigueur, juste avant un final dantesque en duel de guitares : Today is born the seventh one, born of woman the seventh son, and he inturn of the seventh son [...] So it shall be written, so it shall be done) à la naissance de l'enfant médium, septième fils d'un septième fils. Ambiance marquante. Après un tel séisme, The Prophecy peut sembler mineur, c'est une erreur, même s'il est vrai que la chanson est moins grandiose que la précédente, elle est vraiment efficace. The Clairvoyant, autre single à succès majeur, suit, futur cheval de bataille en concerts, there's a time to live, and a time to die... Only The Good Die Young, qui aurait fait un bon choix de single mais restera sur l'album uniquement (dommage), est la conclusion évidente, logique et marquante de l'album. Un album qu'il faut écouter plusieurs fois pour bien l'apprécier, mais qui, sur la durée, s'impose vraiment comme un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, de Maiden. La tournée donnera lieu à un live sorti à l'époque en CD et VHS, longtemps sorti du commerce et réédité, en 2013 : Maiden England, qui est remarquable et offre pas mal de morceaux de l'album dans d'excellentes versions. On arrive ici au zénith du groupe. Après une telle ascension ne peut arriver qu'une redescente. Qui démarre en 1989/90, mais vous en saurez plus demain !
FACE A
Moonchild
Infinite Dreams
Can I Play With Madness
The Evil That Men Do
FACE B
Seventh Son Of A Seventh Son
The Prophecy
The Clairvoyant
Only The Good Die Young
http://sebdos.blogspot.com/2010/02/iron-maiden-cover-evil-that-men-do.html
UP THE IRONS !