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Juin 2004 (ou juillet, je ne sais plus) : je reçois de mon père, qui l'a eu du comité d'entreprise de son boulot, un chèque-cadeau culture de 15 € à utiliser dans une FNAC ou autre. Mon père me le donne car il ne sais pas trop ce qu'il pourrait prendre, lui, avec, et se dit que j'en aurai plus l'utilité. Je file à la FNAC le lendemain et me prends deux CD à 7 € (en fait, profitant de leur fameuse offre 4 CD pour le prix de 3 parmi une sélection de CD au prix de 7 € pièce, j'en prends quatre, mais après utilisation du chèque-cadeau et en tenant compte de la promo, je n'en ai, en fait, réellement, payé qu'un seul avec mon argent). De quels albums s'agissait-il ? De mémoire, il y avait le Live At Sin-E de Jeff Buckley, le Stiff Upper Lip d'AC/DC, leur Blow Out Your Video aussi (on va dire que celui-là est le gratuit)...et il y à eu cet album des Queens Of The Stone Age, leur troisième, sorti en 2002, et dont la pochette rouge m'interpellait grave. Maintenant que j'y pense, je crois qu'en fait, c'était en 2005, parce que je me souviens que leur album suivant, Lullabies To Paralyse, était dans les bacs, et il date de 2005. Enfin bref, passons. La pochette du QOTSA m'avait fortement donné envie de savoir ce qu'il pouvait bien y avoir sur le disque gravé à l'intérieur du boîtier plastique. Je ne connaissais ce groupe que de nom. J'ignorais à peu près tout, que deux des membres fondateurs (le guitariste et chanteur Joshua Homme et le bassiste et chanteur, qui avait déjà quitté le groupe au moment de mon acquisition de l'album, Nick Oliveri) venaient d'un groupe de stoner culte du nom de Kyuss ; que le batteur, sur l'album que je venais d'acheter, était Dave Grohl, batteur de Nirvana et guitariste et batteur/chanteur des Foo Fighters ; que Mark Lanegan, chanteur des Screaming Trees, mythique groupe grunge, chantait un peu sur le disque (Mark qui ? Les Screaming quoi ? aurait été ma réponse probable à l'époque, j'ignorais l'existence de ce groupe).

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Bref, je ne savais pas à quel point ce disque rouge infernal était une sorte de méga-projet insensé ayant tout du supergroupe éphémère. D'une tribu, en fait. Les Queens Of The Stone Age, c'est un clan plutôt qu'un groupe. Même si le noyau dur était le tandem Homme/Oliveri, le groupe ne s'est jamais vraiment solidifié, et évolue d'album en album, c'est assez chiant de parler d'eux pour ça. Alain Johannes, Joey Castillo, Troy Van Leeuwen, Dean Fertita, Mark Lanegan, Dave Grohl, font ou ont fait partie de ce groupe dont seul Homme (un géant rouquin qui a fait partie des Eagles Of Death Metal, a fait un album génial avec Iggy Pop, et fondé, avec Grohl et John Paul Jones de Led Zeppelin, le supergroupe monstrueux Them Crooked Vultures en 2009, dont l'unique album est irremplaçable dans le genre) est le membre permanent. Un mec ahurissant avec une voix parfaite, un physique de bûcheron irlandais au regard clair, un style musical à la fois mélodique et fortement puissant. Sur Songs For The Deaf ("chansons pour les sourds" ; si vous ne l'êtes pas avant l'écoute, vous le serez après), qui vient, comme les autres QOTSA, je ressortir en vinyle et je l'ai acheté, on a affaire à un album de malade. Une heure de gros son. Avec, en prime, un concept. Car, oui, l'album, monstre de hard-rock teinté de stoner psychédélique, est conceptuel : un voyage en voiture, à travers le désert californien, en plein cagnard, seul, avec les différentes stations radio locales (et leurs deejays chelous) comme fond musical. L'album démarre par le starter d'une voiture, portière qui claque, et on entend un animateur radio (tous sont joués sur le disque soit par des amis du groupe, soit par de vrais animateurs, tous sont crédités) annoncer l'album. I need a saga, what's a saga ? It's "Songs For The Deaf", and you can even hear it. Puis une batterie monolithique et un riff psychopathique déboulent, avec une qualité sonore volontairement faible, comme captée d'un autoradio. Au bout d'une trentaine de secondes (ce qui sur le CD, fait déjà une minute de défilée, car l'intro parlée est sur la première plage audio), le son devient 'normal', c'est à dire, surpuissant. Le riff redéboule, et une voix hargneuse et quasi stridente nous braille des paroles insensées. Celle de Nick Oliveri. You Think I Ain't Worth A Dollar, But I Feel Like A Millionaire, morceau court, 3 minutes en comptant l'intro non-musicale, est la porte d'entrée dans le monstrueux univers de l'album, et le moins que l'on puisse dire, c'est whoah ! Basse violée, batterie tabassée, chant hystérique (Gimme some more !!!), guitares en fusio, aucun répit, juste un petit silence de quelques secondes, vers la fin, avant une courte reprise et un hurlement final, glaçant, qui laisse le morceau céder la place au plus 'pop' No One Knows interprété par Homme (qui chante 7 des 14 titres de l'album, Oliveri en chante 4 et Lanegan 3, mais il faut voir lesquels...). Morceau pop, mais sur lequel la rythmique offre quelques accélérations bien trippantes. 

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Lanegan, Oliveri, Grohl (juste la tête), Homme

First It Giveth (annoncé par un animateur radio hispanophone, quasiment tous les morceaux sont précédés de bruits de changement de station et/ou d'annonces par des deejays) démarre par une basse bien menaçante, mais le chant de Homme est presque apaisant, sa voix étant, vraiment, douce, au point d'en paraître cheloue (s'il y à bien un terme qui ne correspond pas aux Queens Of The Stone Age, c'est 'douceur'). Bien entendu, si les couplets sont relativement 'calmes', le refrain est du pur stoner. Et rien ne peut préparer au choc du quatrième morceau, interprété par Lanegan, A Song For The Dead, monstrueux avec sa basse inhumaine, ses breaks de fou, ses riffs haletants et maniaques, ses choeurs faussement angéliques, son chant hargneux...Et son final destroy. Après un tel morceau, il faut forcément un temps de pause, la face A se termine ici. The Sky Is Fallin', un des morceaux les plus calmes du lot, chanté par Homme, commence la B en 'douceur', avant qu'Oliveri ne défouraille son court (une petite minute, mais ça suffit) Six Shooter, sur lequel, sur un tempo effréné, il braille comme un cochon qu'on encule avec un fôret de 12 et qu'on gifle à toute berzingue en même temps. Aucun répit, je vous dit. La rythmique Oliveri/Grohl (ce dernier aurait couché ses parties de batterie, en studio, en un temps record après avoir été appelé à la rescousse par les QOTSA quasiment à la dernière minute) maintient une tension tout du long, même sur les morceaux les moins violents. On continue avec Mark Lanegan qui semble se souvenir qu'il est sur l'album (il n'y participe pas vraiment), car Hangin' Tree, sublime et pourtant oppressant, qu'il interprète de sa voix lugubre et en même temps suave, déboule. Homme revient avec le fulgurant Go With The Flow, un de mes morceaux préférés de l'album, presque du rock 'normal' malgré la furie pure qui s'en dégage. Oliveri débouche son très popisant Gonna Leave You, avec ses choeurs presque précieux, et la face B s'achève ainsi. La C s'ouvre sur le très heavy et efficace Do It Again de Homme, mais c'est le dernier morceau chanté par Lanegan (même s'il chante avec Homme sur un autre titre plus loin) qui s'impose comme un des piliers de l'album, God Is In The Radio, monumental au possible. Rythmique de dingue (la batterie, et ses breaks impromptus...). Oliveri décachète son Another Love Song en final de la face C, morceau génial et 'tube' de l'album, il servira même, chez nous, d'accompagnement musical pour une publicité de prévention anti-SIDA, je crois. La dernière face, à peu près aussi courte (12 contre 13) que la précédente malgré le run-out groove bien plus large, s'ouvre sur A Song For The Deaf, tuerie interprétée par Homme et Lanegan. Comment un morceau (annoncé par une animatrice radio à la voix narquoise, froide et moqueuse) peut-il être aussi mélodique, aussi 'popisant', tout en étant aussi heavy et limite violent ? Les refrains sont juste géniaux (cette guitare, qui délivrent des notes qui semblent être autant de petit oiseaux s'envolant brutalement de branches...oui, je sais, image un peu trop poétique, mais que voulez-vous...), And I got what was/I want to take what’s left/No talk will cure/What’s lost, or save what’s left/For the deaf, la durée (presque 7 minutes, c'est le plus long ici) est idéale. Ce morceau, officiellement, achève le disque, sur une courte reprise cachée (après quelques secondes de silence) de Feel Good Hit Of The Summer (morceau du groupe, de 2001, qui est génial) sur lequel les paroles ont été remplacées par des rires de tarés collectifs, amusant, mais aussi un peu malsain, l'impression d'être au milieu d'un congrès de serial killers. Puis on a un ultime morceau, calme, acoustique, hispanisant, Mosquito Song, très beau, et qui semble annoncer l'album suivant (dans les paroles, on entend lullabies to paralyse). Un final idéal. A noter que le CD contient aussi un ultime morceau, Everybody's Gonna Be Happy, reprise des Kinks bien défouraillée (et que le CD s'ouvre sur un morceau caché de 1 minute et 33 secondes, situé avant le premier morceau, en pregap ; toutes les chaînes hi-fi ne permettent hélas pas d'avoir accès à ce morceau caché sans grand intérêt). Voilà pour cet album insensé. Une heure de traversée du désert (au sens littéral, vu le concept, mais absolument pas au sens figuré et péjoratif du terme) qui s'impose comme un grand, très grand, immense même album de rock, et de hard-rock en particulier. Le sommet d'un groupe majeur de son temps, dont d'autres albums (Rated R, ...Like Clockwork, Lullabies To Paralyse, le dernier en date Villains) sont cependant recommandés aussi. Mais s'il ne fallait conserver qu'un seul opus du groupe, c'est vraiment Songs For The Deaf, qualifié à l'époque de Lost Highway du rock. J'en peux plus de me dire que je l'ai réécouté il y à déjà deux jours, allez, je fonce le remettre, ça commence à faire long.

FACE A

You Think I Ain't Worth A Dollar, But I Feel Like A Millionaire
No One Knows
First It Giveth
A Song For The Dead

FACE B
The Sky Is Fallin'
Six Shooter
Hangin' Tree
Go With The Flow
Gonna Leave You

FACE C
Do It Again
God Is In The Radio
Another Love Song

FACE D
A Song For The Deaf
Mosquito Song

Bonus-track CD : 
Everybody's Gonna Be Happy