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Si Pornography, en 1982, a traumatisé par son ambiance morbide, noire et désespérée, Faith, l'album précédent de The Cure, sorti en 1981, n'a pas aidé à se préparer au choc. Bien que ça soit un disque très sombre et triste, Faith semble comme un rayon de soleil à coté de la noirceur absolue de Pornography. Le disque, pourtant, propose 8 titres (pour à peine 37 minutes) vraiment sépulcraux, et les titres de certains d'entre eux (titres 5 et 7) parlent pour eux-mêmes : l'enterrement, le noyé...
La pochette du disque précédent, Seventeen Seconds, était blanchâtre, celle-ci est grisâtre (avant le noir et rouge infernaux de Pornography). Réduits à trois membres (Robert Smith : chant, guitares, claviers ; Simon Gallup : basse ; Laurence Tholhurst : batterie) après que le claviériste Matthieu Hartley ait quitté le groupe, The Cure offre ici une musique magnifique et étrange, qui démarre avec la ligne de basse de The Holy Hour (et la voix presque effacée de Smith, en arrière-plan). Ce morceau et le suivant (Primary, très rock) auraient pu figurer sur Seventeen Seconds (sur Three Imaginary Boys, le premier album, aussi), et on se dit donc que Faith ne démarre pas spécialement par de l'innovation, malgré la réussite totale de The Holy Hour.

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Mais dès Other Voices, ça devient vraiment autre chose. Voix un peu en retrait de Smith, basse martelée, ambiance glauque, petites giclées de guitares, ce morceau est, littéralement, gothique. Distant noises/Other voices/Pounding in my broken head...Le morceau est enivrant, hypnotique. On a un peu de mal à s'en remettre, ce qui est assez embêtant, dans un sens, car All Cats Are Grey, le morceau suivant, nous ravage totalement, tant il est, lui, terrifiant dans ses paroles (The columns are all men/Begging to crush me/No shapes sail on the dark deep lakes/And no flags wave me home), angoissant dans sa mélodie lancinante...angoissant, mais enivrant (encore) et presque apaisant, aussi. Un peu comme le repos de la mort, l'ultime apaisement, la fin. Ce morceau incroyable aurait pu être le sommet du disque, il n'est que le sommet de la face A, qu'il achève.
L'autre face est encore plus incroyable, et démarre avec les claviers presque dissonnants, et agressifs, de The Funeral Party. Agressifs et lancinants, funèbres, magnifiques dans leur noirceur. Et toujours la voix éthérée, en retrait, de Smith, un Smith qui ne devait pas aller très bien niveau moral quand on écoute les paroles (qui parlent d'une fête d'enterrement, où le narrateur danse). Morceau hypnotique, suivi par le très rock et violent, et bruitiste Doubt, aux paroles là aussi sans équivoque (Knowing I'll murder you again tonight), accessoirement le morceau le moins bon de l'album. Suivi par le meilleur de l'album, The Drowning Man, terrifiant et magnifique, gothique à souhait lui aussi, chanson décrivant lentement, avec détails, une mort par noyade (One by one her senses die/The memories fade/And leave her eyes), devenant ainsi une sorte de danse macabre, de manuel de la noyade, un morceau vraiment glauque, mais également superbe (The water bows/Received her/And drowns her at its ease).

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Bon Dieu, mais à quoi carburait Robert Smith, que je n'oublie pas de ne jamais en prendre ? L'album et l'auditeur sont achevés par les 6 minutes 30 de Faith, morceau lent et hypnotique (With nothing left but faith, répête Smith inlassablement dans la coda du morceau). Impossible de décrire ce qui est indescriptible, ce morceau, en effet, est tellement fort...
Faith : un album glauque, fort, impressionnant. Une plongée dans un monde de noirceur. Une sorte de passerelle entre la légère noirceur de Seventeen Seconds et la violente descentes aux Enfers de Pornography. Pourtant, dans un sens, rien, même pas Faith, ne peut préparer à Pornography. Rien.
Sauf la foi d'en sortir vivant.

FACE A
The Holy Hour
Primary
Other Voices
All Cats Are Grey
FACE B
The Funeral Party
Doubt
The Drowning Man
Faith