Voici incontestablement le disque le plus réussi de tout le mouvement grunge. Oui, bien plus réussi que Ten de Pearl Jam, Superunknown de Soundgarden et surtout Nevermind de Nirvana (dont le leader est mort un an avant la sortie du disque dont je vais parler maintenant).
Sorti en 1995, Alice In Chains est un disque qui fait peur. Vraiment. Littéralement. Parce que jamais le rock n'aura été aussi loin dans le morbide, le glauque (à l'exception de Pornography des Cure, en fait) qu'avec ce disque sans espoir, dont la pochette donne direct le ton. Sachez le tout de suite, cette photo d'un pauvre clébard amputé d'une patounette n'est pas truquée. Regardez bien les yeux (jaunes) du chien, et essayez d'y lire de la méchanceté. Moi, je ne peux pas, ce regard triste, apeuré et implorant me bouleverse. Il y à dans le regard de ce médor toute la tristesse du monde. Et il y à dans la musique et les paroles de ce disque tout un aperçu de ce qu'est l'Enfer sur Terre.
A croire que le chanteur du groupe, Layne Staley (mort d'une overdose en 2002 - le grunge est mort en même temps que lui), a été faire un tour en Enfer pour nous en rapporter quelques visions apocalyptiques. Je vous assure, certaines des chansons d'Alice In Chains sont éprouvantes (Grind, Head Creeps, Frogs). Ames sensibles, s'abstenir. Curieux, bienvenue.
65 minutes durant, l'album, entre riffs violents oscillant entre gothique (Again) et heavy metal (Grind), s'écoute d'une traite. La voix morne, comme sans vie, de Staley (qui était dans un état pas possible durant l'enregistrement, camé en quasi permanence), et celle, plus hargneuse, du guitariste Jerry Cantrell (Over Now, Grind) s'accordent parfaitement avec la musique.
Enormément de grandes chansons ici. Par exemple, comment ne pas frissonner devant la beauté de la ballade Heaven Beside You, qui renvoie aux paquerettes n'importe laquelle des ballades de Nirvana (au choix, Something In The Way) ? Comment ne pas se sentir mal à l'aise devant la noirceur de Sludge Factory (qui, d'ailleurs, se traîne un peu en longueur vers la fin) ?
Over Now, ultime titre du disque (qui est le dernier disque du groupe), démarre par une sonnerie aux morts ; un peu plus loin, le refrain dit que 'nous devons parfois savoir payer nos dettes'. Cette chanson a beau être celle qui clôture le disque, impossible de ne pas voir aussi en elle la chanson qui signe la fin du grunge, la fin du groupe, la fin de tout. Après ça, plus rien. Over now.
Frissons aussi avec les paroles limites prophétiques qui ouvrent le disque sur un riff tueur et agressif au possible (preuve que l'espoir se barre dès le départ), 'veillez à ce que je sois bien mort avant de m'enterrer dans un trou bien profond', in the darkest hole, you'de be well advised not to plan my funeral before the body dies. Youpi. Si en plus on prend la peine de mater le clip de l'époque de cette chanson admirable qu'est Grind, on y aperçoit des vieillards édentés se traînant par terre dans un décor d'Olympe trash. Ils font pas les choses à moitié, chez AIC. On les aime pour ça. No bullshit.
Chronique complémentaire de Buckley92 :
En 1995, Pour quasiment tout le monde, le grunge est mort. Kurt Cobain, le "symbole" de ce mouvement musical torturé s'est tiré une balle dans le caisson le 4 avril 1994, et son groupe, Nirvana, est aussitôt dissout. Fin d'une époque... Et pourtant... le grunge n'est pas encore mort, même s'il n'est pas loin de l'être. En effet, outre la disparition de Nirvana, les autres grands noms du grunge ne vont pas forcément mieux: Pearl Jam a sorti Vitalogy en 1994, un disque très sombre, et ne va pas tarder à se tourner vers une musique plus "pop", Soundgarden a sorti, également en 1994, son album le plus réputé, Superunknown, avec notament le tube Black Hole Sun, un disque lui aussi très sombre. Et Alice In Chains dans tout ça ? Ben ça va pas fort... Suite à l'immense succès de leur deuxième album Dirt, le groupe s'est retrouvé sous le feux des projecteurs. L'album sera un énorme succès commercial, malgré son côté très sombre et torturé (ça parle de came, de came, et encore de came). Layne Staley se drogue de plus en plus, et approche inexorablement du point de non retour. En cette année de 1995, le groupe retourne en studio pour accoucher du successeur de Dirt. Je résume donc : Layne Staley commence à prendre de la drogue, ce qui aboutit à Dirt. Puis il s'enfonce encore plus profondément dans la came, malgré ses nombreuses tentatives de s'en extraire. Alors à votre avis comment sera l'ambiance du troisième album d'Alice In Chains?
Déjà la pochette nous met direct dans l'ambiance, avant même d'avoir comencé à écouter l'album: grise, représentant un chien à trois pattes, le regard triste. Au dos, un "freak", un homme avec trois jambes, et dans le livret toutes sortes de créatures bizzares et effrayantes. Bienvenue dans l'album éponyme d'Alice In Chains, aussi appelé tripod en raison de sa pochette. Un album d'une noirceur inégalée dans le mouvement grunge, et quasi-inégalée dans la musique en générale. Layne Staley écrit neuf des douzes chansons de l'album, qui est un voyage d'un peu plus d'une heure au coeur de l'enfer Jamais la voix du chanteur n'avait paru aussi torturée, une véritable plaie ouverte, qui colle à merveille avec la musique, gangréneuse, à l'image du titre qui ouvre l'album, Grind.Une des chansons écrites par Jerry Cantrell d'ailleurs, une chanson au riff gluant, qui vous envoit direct dans les limbes. Et ces premiers mots d'une noirceur terrifiante: In the darkest hole, you'd be well advised/ Not to plan my funeral before the body dies. Glacial... Le guitariste, s'il écrit peu de textes sur cet album, a composé toute la musique, et les trois chansons qu'il offre sont parmit les meilleurs de l'album et même du groupe! Outre Grind, on a également la ballade Heaven Beside You, en hommage à Kurt Cobain il me semble, et seul réel moment de répit ici. Attention, entendons- nous bien: la chanson est triste, mais elle est plus dans l'ambiance mélancolique que morbide. Enfin, troisième chanson écrite par Cantrell, il s'agit du final de l'album: Over Now. Là que dire... Sonnerie au mort en guise d'intro, paroles sublimes, riff entêtant. Un chef d'oeuvre, qui sra sublimé un an plus tard dans sa version unplugged. Yes It's Over Now...
Et les chansons écrites par Staley me direz- vous? Que valent-elles? Et bien elles sont magnifiquement malsaines pardi! Entre Le court et efficace Brush Away, le très entêtant Again et le le sinistre Sludge Factory le Blondinet s'est fait plaisir si on peut dire. Tous ses textes sont d'une noirceur effrayante: on n'ose imaginer l'état dans lequel il était quand il les a écrit. Aucune n'est qualifiable de moyenne et encore moins de ratée. Tout au plus je trouves que les refrains de Nothin' Song peu convaincant. Dommage d'ailleurs, car les couplets sont justes tuant. Mais le reste mon dieu! ou plutôt, bélzébuth! Outre les chansons que j'ai déjà évoqué, on trouve également Shame In You, morceau calme mais emplit d'un climat brumeux, inquiétant, God Am, autre chanson ien sombre et le remarquable So Close dont le seul défaut est d'être trop court. Mais au milieu de tout ça se tapissent deux monstres, deux chansons tellement sombres, qu'à côté le reste de l'album ressemble à une B.O. pour dessin animé: Head Creeps et Frogs. La première au rythme haletant qui s'étale sur six minutes, et je n'en suis pas sûr mais il me semble que Layne Staley a écrit les paroles ET composé la musique. Les paroles sont encore une fois sublime, bien glauque, et la chanson a une ambiance bien sinistre qui fait qu'à chaque fois que je l'écoute je m'imagine me balladant dans un décor apocalyptique, comme une ville fantôme, ravagé par la guerre et la maladie. Une chanson, non, une leçon de musique sombre, et ma préférée de l'album. Le deuxième monstre c'est Frogs: une chanson qui vous glace le sang, lente, oppressante. 7 minutes qui respirent la mort à plein nez, la voix de staley sur cette chanson est tout simplement flippante, on croirait entendre un fantôme.
L'album sortira fin 1995 et ne sera suivit d'aucune tournée, Layne Staley n'étant plus en état d'en faire. Le groupe participera tout de même à l'émission MTV unplugged, et livrera un concert acoustique mémorable, puis ils feront une petite tournée en première partie de Kiss. Mais fin 1996 la petite amie de Layne meurt, à causes de complications dût à la drogue. Cette perte boulversera le chanteur qui s'enfoncera à nouveau dans la drogue et cette fois de manière définitive. Cette fois le retour d'Alice In Chains est plus qu'incertain: Ils enregistreront quelques chansons en 1998, en vu d'un nouvel album mais Layne n'a plus envie. Il s'enfonce de plus en plus dans la drogue, le désespoir et la solitude. La dernière chanson qu'il enregistre ne sera pas fait avec Alice In Chains mais avec un groupe nommé Class Of 99, et il s'agira d'une reprise de la chanson Another Brick In The Wall Part 2. Puis plus personne n'entendra parler du chanteur... Jusqu'à ce triste jour: le 20 avril 2002, on apprend que le chanteur est mort d'une overdose de speedball, un mélange mortel de cocaïne et d'héroïne. Mais le pire c'est qu'il semblerait qu'il soit mort depuis près de deux semaines, et la date officielle de sa mort est notée au 4 avril, il est donc mort 8 ans jour pour jour après Kurt Cobain. Une fin horrible, une des plus tristes de l'histoire du rock: oublié de tous, fauché, drogué, seul. Pourtant c'était l'un des chanteur les plus doué de sa génération, convaincnt aussi bien sur les titres les plus violents que sur les ballades les plus douces. Je me souviens d'une interview de Layne datant de 1992, peu après la sortie de Dirt, où il évoquait ses problèmes de drogue, qu'il pensait avoir résolu à l'époque. Il dira cette phrase lourde de sens après coup "I beat death! I'm immortal!". Non, il n'était pas immortel, et il aurait pu s'abstenir de nous le prouver... Reste une discographie courte, mais exemplaire, dont cet album éponyme, testament glauque d'un homme sans doute trop sensible pour le monde dans lequel il évoluait.
Grind
Brush Away
Sludge Factory
Heaven Beside You
Head Creeps
Again
Shame In You
God Am
So Close
Nothin' Song
Frogs
Over Now
Alice in chains - grind
envoyé par xilis. - Clip, interview et concert.
Et c'est par ailleurs ce qui manquera toujours à ce groupe. Avec grind, on revient donc à ses origines et à ses débuts. Je pense forcément à we die young.
Clin d'oeil sous entendu par "vérifiez que je sois bien mort avant de m'enterrer".
Un disque encore plus sombre que Dirt, plus varié et plus riche aussi.
Le testament de Layne.